Le 16 octobre 1914 a eu lieu, à l’hôpital de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), la première transfusion sanguine directe de la Première Guerre mondiale. Le Bannalécois Isidore Colas, en convalescence à la suite d’une blessure à la jambe, va sauver, par le don de son sang, le caporal Henri Legrain, du 45e régiment d’infanterie, arrivé exsangue du front. À Bannalec, une rue et une association (l’amicale des donneurs de sang) portent son nom, mais peu d’habitants connaissent cette histoire, liée à l’évolution de la médecine et des sciences.

Une histoire dont l’origine remonte à 1900, lorsque le scientifique Landsteiner fait une découverte capitale : l’incompatibilité entre divers sangs humains, expliquant ainsi les succès et les échecs des transfusions. Jusqu’alors, ces transfusions, dites directes, sont faites de bras à bras.

isidore colas et sa bande

Isidore Colas, avec moustaches et chapeau (2e au 2e rang).

Transfusion sanguine directe, une première

Isidore Colas est né le 16 mai 1891, à Bannalec, dans une famille de neuf enfants. Il apprend, d’abord comme apprenti, le métier de menuisier. Incorporé en 1912 au 3e régiment d’artillerie, à Vannes, il est envoyé sur le front le 5 août 1914 et est blessé le 8 septembre, dans la Marne, par un éclat d’obus à la jambe.

Transporté dans un état grave à l’arrière, il est ensuite envoyé à l’hôpital de Biarritz, spécialisé dans le traitement des soldats gazés. C’est là qu’arrive, le 16 octobre 1914, le grand blessé Henri Legrain, fantassin originaire de Laon (Aisne). Il doit se faire amputer la jambe, mais le malheureux ayant déjà perdu beaucoup de sang, il lui faut un apport extérieur pour supporter l’opération. Isidore Colas se porte volontaire pour la transfusion. Le professeur Émile Jeanbrau, de la faculté de médecine de Montpelier, s’occupe de l’intervention.

Cette transfusion directe, de bras à bras, est l’une des premières du conflit. Seules une quarantaine d’autres seront réalisées avant la fin de l’année 1914 dans les hôpitaux français.

Le quotidien L’Ouest-Éclair relate l’événement le 12 novembre 1914, dans l’article « Du sang de breton » : « C’est dans un hôpital de province. Il y a dans une chambre deux blessés. L’un d’eux meurt d’hémorragies successives. On ne peut le sauver que par la transfusion du sang. Mais qui voudra se dévouer ? Son voisin de lit, Isidore Colas, un breton, presque rétabli de sa blessure. Il ne connaît pas celui pour lequel il va donner son sang. ‘Je ne pourrai pas vous endormir’, le prévient le docteur. ‘Tant pis, allez-y’. »

« Courage inouï »

L’article raconte alors son « courage inouï », au moment où on lui ouvre le bras. L’opération terminée, l’opéré reste sans voix. Mais « il passe son bras sous la tête de celui qui vient de lui donner un peu de sa vie, le serre contre lui de toutes ses forces, pendant que des larmes coulent de ses yeux ».

En avril 1915, Isidore Colas, remis sur pied, quitte l’hôpital et est envoyé dans les Balkans, où il combat jusqu’en 1917. En Serbie, il est blessé à la tête et donc à nouveau hospitalisé. Renvoyé sur le front en France, à la fin de la guerre, il n’est démobilisé qu’à la fin de l’année 1919. Il prend sa retraite à Rosporden. Isidore Colas meurt à Bannalec, le 9 juillet 1974.

isidore colas le progres du morbihan 14 11 14

Article issu du Progrès du Morbihan (14 novembre 1914)

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